Godard à Grenoble Godard à Grenoble #1

Le Sondor
Archéologie d’un geste

(Grenoble 1974-1977)

En 1977, lors de son départ précipité de Grenoble, Godard a laissé une machine qui est aujourd’hui conservée à la Cinémathèque de Grenoble. Le Sondor est un rack composé de 3 magnétophones. Pour monter, Godard utilisait une table de montage Steenbeck qui offre la possibilité de travailler avec seulement deux sons associés à l’image mais il a fait installer un dispositif permettant de coupler ce type de lecteur/enregistreur à la table de montage. En synchronisant le Sondor à la Steenbeck, Godard pouvait monter une image et cinq sons. Surtout, c’est à partir de ce dispositif qu’il a commencé à inscrire la singularité d’un geste de montage. Plutôt que de couper dans la bande pour coller des morceaux entre eux, Godard, s’est mis à copier les sons d’une piste sur l’autre en même temps qu’il mixe pour enregistrer sur une troisième bande. Ou encore, de lire trois pistes et d’enregistrer sur une quatrième, etc.

Quand il a quitté Grenoble pour s’installer à Rolle, en Suisse, ces possibilités se sont encore décuplées en couplant la table de montage avec les premiers magnétophones de son audio-numérique Sondor ou Studler : ces magnétophones qui étaient à la pointe de la technique pouvaient enregistrer jusqu’à 12 pistes puis 24 pistes sur une bande d’une largeur d’un pouce. En multipliant les pistes, le cinéaste acquiert plus de plasticité. Avec ce matériel, il invente un geste singulier qui lui permet d’inscrire de la singularité dans la fabrication des films mais aussi son corps puisque les mixages sont les traces de ses mains. Puis, ces magnétophones ont été asservies aux magnétoscopes Betacam pour fabriquer les Histoire(s) du cinéma dont le montage a été fait en vidéo. Ce dispositif compose l’écriture des Histoire(s) du cinéma puisque Godard se met à travailler avec l’image vidéo de la même manière qu’il le faisait avec le son en copiant et mixant deux images entre elles. Avec les Histoire(s), le geste prend toute sa dimension. François Musy qui a été ingénieur du son de nombreux films de Godard à partir de Passion (1981) était l’architecte de ces couplages de matériel dans l’atelier de la rue du Nord à Rolle mais, pour monter, Godard travaillait seul. Musy, qui réalisait le mixage final des films le dit modestement : cette étape était bien moins déterminante puisque les choix (ou plutôt les différents niveaux de choix) de mixage appartenaient déjà au montage.

Ensuite, dans les années 2000, Godard abandonne ces appareils sophistiqués pour utiliser des moyens amateurs et continuer à monter avec ses mains comme un enfant, en appuyant sur lecture d’un côté, REC de l’autre. À la fin de sa vie, il a utilisé des magnétoscopes VHS ou DVCAM pour réaliser Adieu au langage ou le Livre d’image. D’une génération à l’autre, avec ce matériel analogique, la copie devient dégradation tout en conservant les accidents de manipulation. L’image vieillit pour mieux renaître puisqu’il s’agit de lui retrouver une jeunesse.

Cet appareil était installé dans l’atelier SONIMAGE de la rue de Belgrade à Grenoble qui rassemblait des moyens techniques cinéma et vidéo pour faire de la télévision avec les séries 6×2, France Tours Détours et revenir au cinéma. À bout de souffle était le film numéro 1 et Godard se demandait comment repartir à zéro en faisant Numéro deux ? Partir à Grenoble représente une renaissance, mais pour faire du cinéma autrement, Godard se demande comment faire des films avec moins de moyens mais aussi pour moins de spectateurs ? Il veut que l’on oublie son nom pour qu’il puisse travailler quotidiennement comme un moine-ouvrier dans son usine à films. En se mettant en scène perdu dans son atelier, machine au milieu des machines annonce, au croisement du cinéma et de la vidéo, les films essais qu’il va commencer à réaliser en arrivant à Rolle.

Grenoble n’a été qu’une étape dans ce retour vers les origines et laSuisse mais cette courte période, de 1974 à 1977 représente un germe de ce qu’il développa ensuite à Rolle. Sa disparition nous révèlera qu’il a été le poète de la fin du XX et début du XXIème siècle et que son rapport politique à la technique, ce geste de mixage dont le Sondor représente l’archéologie et l’utilisation de la vidéo, l’ont aidé à prendre ce chemin vers la poésie.

Vincent Sorrel

Ce texte a été publié dans le N°791 des Cahiers du cinéma daté d’octobre 2022.

Inscription Newsletter

Cinémathèque de Grenoble

4 rue Hector Berlioz
38000 Grenoble

Horaires bureaux

Du lundi au vendredi
9h00 à 12h30 - 14h à 17h30

Centre de documentation

Sur rendez-vous
contact[a]cinemathequedegrenoble.fr

Adhésion :
Annuelle
Plein tarif | 20€
Tarif réduit | 10€*

À la journée
Plein tarif | 3€
Tarif réduit | 2€*

Contact et informations

Accueil : 04 76 54 43 51
contact[a]cinemathequedegrenoble.fr

Cinéma Juliet Berto

Passage du Palais de Justice
38000 Grenoble

Tarifs

Normal | 6,50 €
Réduit | 5,50 €
(-26 ans, +65 ans, demandeurs d’emploi, carte MC2:, abonné.e.s MTAG)
Moins de 14 ans | 4 €
Carnet 6 séances | 30 €
Pass Culture | Tickets Action Cinémas | Cinéchèques
Tickets suspendus | Laissez un peu de monnaie, cela permettra d’offrir un ticket à 4€ à tout spectateur bénéficiaire des minimas sociaux qui pourra venir sur la séance de son choix

Accès

En tramway
• Ligne B : Notre-Dame Musée
• Lignes A et B : Hubert Dubedout

En bus
• Lignes C1, C3, C4, 40, T83, T84, T86, X01, X02 :
Victor Hugo
• Lignes 16 et 62 :
Notre-Dame Musée
• Lignes 12, 13, 14, 15, 6020 et T80 :
Verdun Préfecture

En vélo

En covoiturage
• laroueverte.com
• movici.auvergnerhonealpes.fr