Fêtant en 2022 les 60 ans de sa création, la Cinémathèque de Grenoble met à l’honneur certains éléments de la collection qui lui est confiée depuis plus d’un demi-siècle.
Institution à vocation patrimoniale, elle préserve, afin de la rendre accessible à toutes et tous, la mémoire locale. Ainsi, le film Grenoble 1928 de Robert Bastardie (1928) montre la ville à travers le prisme de l’émerveillement : les tracés de ses grandes avenues, le site particulièrement attractif pour le tourisme de montagne, ses ruelles emplies d’enfants qui se laissent surprendre par la caméra. À une époque où les symphonies des grandes villes devenaient un genre du cinéma d’avant-garde, Grenoble à son tour entrait avec fracas dans les promesses de la modernité.
Mais par ailleurs, au fil de son histoire, la Cinémathèque a bénéficié de l’aide de réalisateurs, producteurs, distributeurs et laboratoires qui ont déposé des fonds précieux et l’ont aidée ainsi à constituer une collection rare. Parmi les professionnels ayant témoigné de leur confiance à la structure, nous avons choisi Gémini Films, société de production et distribution, qui a porté pendant ses années d’existence un nombre remarquable de chefs-d’œuvre du cinéma européen. Et parmi ceux-là, Eros Thérapie de Danièle Dubroux (2003). Les films de cette réalisatrice étant trop rares, nous voulions montrer une copie de cette comédie grinçante qui, s’attaquant à certains tabous amoureux, faisait souffler sur le cinéma français un vent de gaie liberté. Porté par un casting hors-pair – Catherine Frot, Isabelle Carré, François Berléand et Melvil Poupaud, forment un carré d’As – il est temps de (re)découvrir ce film où Eros et Thanatos se disputent la partie.
Gabriela Trujillo, directrice de la Cinémathèque de Grenoble
Deux aspects d’une même collection :
GRENOBLE 1928
Film de Robert Bastardie
France | 1928 | 17 min. | 35 mm
EROS THÉRAPIE
Film de Danièle Dubroux
Avec Isabelle Carré, Catherine Frot, Melvil Poupaud
France | 2004 | 1h46 | 35 mm
Une femme quitte son mari pour se mettre en ménage avec une ravissante critique de cinéma. L’époux tente de la reconquérir, aidé par un étrange jeune homme. Danièle Dubroux est comme son film, le délirant Eros Thérapie, vraiment très drôle. Drôle comme une cinéaste qui tricote avec malice des comédies farfelues en détricotant les grands adages de la psychanalyse. Eros Thérapie porte haut le genre de la farce psychanalytique délirante, sur un modèle façonné par Buñuel, et repris depuis par Ruiz, Bonitzer… Dubroux y apporte un petit plus de générosité, d’amour des gens dans ce qu’ils ont de plus bizarre, singulier, saugrenu. Un personnage de Dubroux n’est jamais aussi attachant que lorsqu’il perd les pédales, et elle sait comme personne cerner ces petits points de folie intime qui dessinent la cartographie accidentée d’un sujet.